Qu'est-ce qu'un accident du travail grave ?
La définition d’un accident du travail grave est donnée dans l’article 94bis de la loi sur le bien-être et est encore précisée dans le Code.
Un accident du travail grave est défini comme un accident qui se produit sur le lieu de travail même et qui, en raison de sa gravité, requiert une enquête spécifique approfondie. Il s’agit:
- soit d’un accident du travail mortel
- soit d’un accident du travail dont la survenance a un rapport avec une déviation ou un agent matériel (figurant respectivement dans l’annexe I.6-1 et 2 du Code) et qui a donné lieu à une lésion permanente ou à une lésion temporaire (énumérée dans l'annexe I.6-3 du Code).
L’application disponible sur le site de la sécurité sociale permet de déterminer si l'accident du travail doit être considéré comme grave ou non. L'application se base sur les codes (lésion, déviation, agent matériel impliqué) introduits et indique s'il s'agit ou non d'un accident du travail grave.
Définition Un accident grave est un accident sur le lieu de travail ayant entraîné…
1 le décès |
2 une lésion permanente | Et combiné avec une Déviation ou un Agent matériel portant 1 des codes suivants | Déviation - codes 10 à 19: déviation par problème électrique, explosion, feu 20 à 29: déviation par débordement, renversement, fuite, écoulement, vaporisation, dégagement 30 à 39: rupture, bris, éclatement, glissade, chute, effondrement de l’agent matériel 40 à 44: perte de contrôle de machine, moyen de transport/équipement de manutention, outil à main, objet 51: chute de hauteur de personnes 63: en étant attrapé ou entraîné par un objet ou par son élan (Code, annexe I.6-1) |
3 une lésion temporaire identifiée par les codes suivants 013: plaies avec pertes de substance occasionnant plusieurs jours d’incapacité de travail 020 à 029: fractures osseuses 040: amputations traumatiques (perte de membres) 041: amputations 053: commotions et traumatismes internes qui, en l’absence de traitement, peuvent mettre la survie en cause 054: effets nocifs de l’électricité occasionnant plusieurs jours d’incapacité de travail 060 à 069: brûlures occasionnant plusieurs jours d’incapacité de travail ou brûlures chimiques ou internes ou gelures 071 et 079: empoisonnements aigus 081 à 089: asphyxies et noyades 102: effets des radiations (non thermiques) occasionnant plusieurs jours d’incapacité de travail (Code, annexe I.6-3) |
Agent matériel - codes 02.00 à 02.99: échafaudages ou constructions en hauteur 03.01, 03.02 et 03.03: fouilles, tranchées, puits, souterrains, galeries ou milieux sous-marins visés par les codes 04.00 à 04.99: installations; 05.00 à 05.99, 07.00 à 07.99, 09.00 à 10.99: machines ou appareils; 11.00 à 11.99, 14.10 et 14.11: dispositifs de convoyage, de transport et de stockage 12.00 à 12.99: véhicules terrestres 15.00 à 15.99, 19.02 et 19.03: substances chimiques, explosives, radioactives, biologiques 16.00 à 16.99: dispositifs et équipements de sécurité 17.05: armes 18.03, 18.04 et 18.05: animaux, micro-organismes, virus (Code, annexe I.6-2) |
Remarque: les accidents du travail très graves (accidents mortels et accidents entraînant une incapacité permanente selon la définition ci-dessus) doivent être signalés immédiatement à l'inspection.
Responsabilités
Après un accident du travail grave, l'employeur veille à ce que le service de prévention compétent effectue une enquête et que cette enquête donne lieu à l’établissement d’un rapport circonstancié à transmettre à l'inspection (contrôle du bien-être au travail) dans un délai de 10 jours.
Service de prévention compétent
Le service de prévention compétent effectue une enquête pour déterminer les causes de l’accident. Il faut entendre par "service de prévention compétent":
- le service interne: pour les entreprises des groupes A et B et pour celles du groupe C où un conseiller en prévention de niveau I ou II est en fonction;
- le service externe: pour les entreprises du groupe C sans conseiller en prévention de niveau I ou II et les entreprises du groupe D.
Remarque: La fourniture d'assistance suite à un accident du travail grave (enquête, proposition de mesures conservatoires) fait partie de l’offre comprise dans la cotisation forfaitaire minimale due au service externe (avec un maximum de cinq heures de prestations d'un conseiller en prévention).
Employeur
Par "employeur", on entend l'employeur de la victime, mais dans certains cas, cette notion est élargie et les différentes parties concernées, employeurs et indépendants (toutes les personnes physiques et de droit) doivent collaborer pour remplir les obligations imposées.
Ceci concerne les trois situations suivantes:
- travail avec des tiers (travailleurs d'entreprises extérieures ou indépendants qui viennent exercer des activités);
- travail intérimaire;
- chantiers temporaires ou mobiles.
La collaboration relative à ces obligations doit être réglée à l'avance et les modalités pratiques doivent être consignées dans une convention. Le principe de la collaboration est lui aussi inscrit de manière explicite dans la législation en ce qui concerne la collaboration entre service(s) de prévention, employeur(s), comité(s) de prévention et de protection au travail et éventuellement l'expert. L'(les)employeur(s) est (sont) tenu(s) de collaborer avec le(s) service(s) de prévention ou avec l'expert afin de leur permettre d'analyser l'accident du travail grave et de rédiger leur rapport. Ils sont aussi obligés d'impliquer le(s) comité(s) de prévention et de protection au travail (loi sur le bien-être, art. 94septies).
Convention
Les modalités de suivi conjoint des accidents du travail graves sont intégrées dans les conventions obligatoirement conclues entre
- l'employeur et l'entreprise (loi sur le bien-être, art. 9, 2°) ou l'indépendant extérieur (art. 10, 3°) qui vient exercer des activités;
- le maître d'œuvre et l'entrepreneur ou l'indépendant (loi sur le bien-être, art. 29, 2°);
- l'employeur et l'entreprise de travail intérimaire.
Les parties concernées définissent notamment dans ces conventions les réponses aux questions pratiques suivantes:
- qui coordonne les actions dans le cadre de la recherche, des rapports, etc.?
- qui établit le rapport conjoint et qui est responsable de son envoi?
- qui faut-il informer en cas d'accident grave?
- comment sera organisée la coopération avec les services et comités de prévention des employeurs concernés?
- comment seront répartis les coûts éventuels résultant de l'enquête des services de prévention?
- …
Immédiatement après l'accident grave: enquête et mesures conservatoires
Le service de prévention compétent entame immédiatement l'enquête et prend des mesures conservatoires afin d’éviter que l’accident ne se reproduise. Les mesures conservatoires sont des mesures de prévention destinées à éliminer une ou plusieurs causes directes de l’accident ou d'un accident similaire.
L’enquête sur l’accident se déroule en trois phases:
- phase 1: collecte des données immédiatement après les faits, sur place (entretiens, photos et données relatives aux premiers soins et aux dégâts matériels);
- phase 2: analyse de l'accident à partir des données collectées (à effectuer avec les intéressés et éventuellement sur la base d'une méthode d'analyse des risques, comme l'arbre des causes). L'analyse vise à détecter les causes sous-jacentes;
- phase 3: détermination des mesures visant à traiter les causes sous-jacentes de l'accident ou de l'incident afin d’en prévenir toute répétition à l'avenir.
Rapport circonstancié vs Rapport provisoire
Rapport circonstancié
Les résultats de l'enquête sont inclus dans le rapport circonstancié, qui doit être remis dans les 10 jours à l’inspection (contrôle du bien-être au travail) (Code, art. I.6-5). Ce rapport, qui doit être remis dans les 10 jours à l’inspection du travail compétente, comporte deux volets: le premier doit être complété par le service de prévention compétent et le deuxième par l'employeur. Le premier volet comporte 8 points (voir tableau 4). Outre des données d’identification (victime, employeur, témoins, auteur du rapport, personnes en copie), il contient les éléments qui permettent de décrire l’accident (lieu, circonstances, causes) et reprend les recommandations formulées pour en éviter la répétition. L’employeur complète le deuxième volet. Il doit y mentionner les décisions qui ont été prises (c’est-à-dire les recommandations du premier volet qui ont été retenues), un plan d’action et l’avis du comité de prévention et de protection.
Lors de la rédaction du rapport, il est important de noter tous les détails de la manière la plus précise et la plus complète possible (consulter l'outil d'aide à la rédaction d'un rapport circonstancié).
Rapport provisoire
S’il n’est pas possible de remettre un rapport circonstancié dans le délai imparti, la communication d’un rapport provisoire peut être envisagée. Les raisons du retard de même que la date de remise du rapport circonstancié (ou complément au rapport provisoire) devront dans ce cas être clairement spécifiées. C'est l'inspection accepte ou non de prolonger le délai en fonction de la teneur des arguments qui lui ont été communiqués. Lorsqu’une entreprise ne respecte pas l’obligation de dresser un rapport provisoire ou circonstancié, l’inspection du travail compétente peut désigner un expert ou faire elle-même, sur place, les investigations nécessaires.
Tableau - Contenu du rapport circonstancié ou provisoire
Rapport circonstancié | Rapport provisoire |
---|
Volet 1: à compléter par le service de prévention compétent |
identification des victimes et de leurs employeurs | identification des victimes et de leurs employeurs |
description détaillée du lieu de l’accident | description détaillée du lieu de l’accident |
description détaillée des circonstances de l’accident, documents visuels à l’appui | première description des circonstances de l’accident |
causes primaires, secondaires, tertiaires. Ilfaut entendre par: a) causes primaires: les faits matérielspouvant être à l’origine de l’accident; b) causes secondaires: les causes de nature organisationnelle qui ont amené les causes primaires; c) causes tertiaires: les causes matérielles ou organisationnelles dans le chef de tiers. | |
causes de nature psychosociale | |
recommandations visant à prévenir la répétition de l’accident | |
identification de l’employeur et du service de prévention compétent | |
identification des personnes qui ont élaboré le rapport | |
identification des personnes à qui une copie du rapport a été envoyée | |
Volet 2: à compléter par l’employeur |
- contenu de la décision quant aux recommandations formulées (ou éventuellement: mesures alternativesgarantissant au moins le même résultat) - avis des Comités respectifs quant aux décisions et mesures alternatives proposées | relevé détaillé des examens qui doivent encore être effectués avec mention des faits matériels en raison desquels il n’est pas possible de transmettre un rapport circonstancié |
plan d’action, comprenant les délais dans lesquels les mesures seront appliquées et la justification de ces délais | |
avis des Comités respectifs sur les causes del’accident du travail grave et sur les mesures quisont proposées afin de prévenir sa répétition. | - conclusions de la délégation du Comité qui s’est rendue immédiatement sur place après l’accident du travail grave; - avis des Comités respectifs qui auraient déjà été établis dans des procès verbaux approuvés au moment de la transmission du rapport provisoire au fonctionnaire. |
Expert
Dans certains cas, c'est un expert désigné par l'inspection du travail compétente qui exécute les obligations relatives à un accident du travail grave. L'(les) employeur(s) est(sont) tenu(s) de collaborer avec l'expert.
Quand?
Un expert est désigné lorsqu’une entreprise ne respecte pas ses obligations et a omis de remettre dans les dix jours un rapport circonstancié ou provisoire à l'inspection (loi sur le bien-être, art. 94ter §4).
Il peut cependant aussi être désigné (Code, art. I.6-7):
- si l'inspection dispose d'indices d'une collaboration défectueuse (plusieurs employeurs concernés);
- en cas de circonstances complexes (une circonstance est complexe lorsqu'une ou plusieurs des causes ou des suites de l'accident du travail grave se situent en dehors des rapports entre l'(les) employeur(s) et leurs travailleurs éventuels);
- en cas d'accidents du travail particulièrement graves;
- en cas de situations illégales où il n'y a pas de service de prévention.
Qui?
Font office d'experts des personnes qui ont la formation requise (formation complémentaire de niveau I) et qui, après avoir posé leur candidature, sont reprises sur une liste par l'administration (Code, art. I.6-8).
C'est l'assureur en accidents du travail qui règle les honoraires de l'expert (honoraires fixes). L'assureur peut cependant en réclamer le remboursement à l'employeur (loi sur le bien-être, art. 94quinquies, art. 94sexies).
Quoi?
L'expert rédige le rapport après avoir effectué l'enquête. Il transmet ce rapport à l'inspection du travail compétente, aux personnes concernées (l'employeur, mais éventuellement aussi le bureau d'intérim, le maître d'oeuvre,…) et à l'assureur accidents du travail. L'inspection du travail compétente imposera généralement à l'entreprise concernée les recommandations formulées par l'expert dans son rapport.
Contenu et forme du rapport de l'expert
L'expert doit rédiger le rapport suivant le modèle et les instructions contenues dans le cahier de charges et dans un délai de 30 jours calendrier débutant à l'acceptation de sa mission.
Le rapport de l'expert comprend 14 rubriques:
1. données relatives à l'expert
2. données relatives au lieu de travail où l'accident du travail grave a eu lieu
3. données relatives à la (aux) victime(s)
4. données relatives à (aux) l'employeur(s) de la (des) victime(s)
5. données relatives à chacune des personnes concernées
6. données relatives à l'assureur de l'accident de travail
7. visites sur place
8. contacts pris
9. description de l'accident
10. causes établies
11. techniques d'analyse utilisées
12. recommandations pour éviter que l'accident grave ne se répète
13. notification du rapport
14. notification finale obligatoire dans le rapport.