Un nouveau règlement EPI. Et maintenant?

Commentaire sur la législation
La Commission européenne a transmis une proposition de règlement EPI au Parlement et au Conseil en mars 2014. Le texte définitif, approuvé début 2016, est paru dans le Journal officiel du 31 mars 2016. Henk Vanhoutte, secrétaire général de la European Safety Federation (coupole européenne chapeautant les associations nationales de fournisseurs d’EPI), nous en explique les grandes lignes.
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PreventActua 06/2015
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Antécédents
L'actuelle directive EPI (89/686), qui date de fin 1989, a plus de 25 ans. Le fait qu’elle n’ait pas été radicalement modifiée sur ce long laps de temps démontre que l’application des prescriptions existantes ne posait pas de problèmes fondamentaux. Mais les profonds changements subis au cours des dernières décennies tant par l'UE que par le marché des EPI ont cependant nécessité la révision de la directive.
Cette révision est destinée à harmoniser les dispositions se rapportant aux EPI avec celles qui s’appliquent à d'autres catégories de produits (machines, ascenseurs, appareils à gaz,...). Il s'agissait, entre autres, de mieux faire concorder définitions et obligations des opérateurs économiques et d'ajouter une description des procédures de conformité et des exigences quant aux organismes notifiés (notified bodies).

Eliminer les problèmes existants
Le Règlement (UE) 2016/425 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux équipements de protection individuelle et abrogeant la directive 89/686/CEE du Conseil (JO du 31 mars 2016) vise également à résoudre quelques problèmes liés à la législation en vigueur. Ainsi, le champ d'application a été modifié et certains produits ont été classés dans une autre catégorie. Le nouveau texte apporte aussi des clarifications à plusieurs endroits et tient davantage compte des évolutions (futures), par exemple pour ce qui concerne les conditions de travail.

Transposition automatique
Le fait qu'il s'agisse à présent d'un règlement et non plus d'une directive est une modification de taille: en effet, au contraire d’une directive, les Etats membres n'ont pas à transposer un règlement dans leur législation nationale car ce dernier entre automatiquement en vigueur dans tous les Etats membres vingt jours après sa publication.
En pratique, cela signifie qu’un seul texte est d’application dans l’UE et ce, pour toutes les parties concernées. Cette situation facilite considérablement l’activité transfrontalière puisqu’il n’est plus nécessaire d’établir un lien entre la directive européenne et sa transposition au niveau national. Dans une Union européenne qui compte actuellement 28 Etats membres – et non plus 12 comme en 1989 – il s'agit là d'une simplification majeure.

Nouveautés
Le règlement révise aussi les responsabilités des importateurs et des distributeurs. Concrètement, cela implique par exemple que l'importateur devra apposer son nom et son adresse sur le produit, son emballage et/ou les instructions d'utilisation et qu’il devra s'assurer du fait que le fabricant a respecté ses obligations en matière de procédures de conformité.
Lorsque des produits posent problème, les importateurs, les distributeurs et les fabricants devront coopérer avec les autorités pour trouver une solution ou pour retirer le produit du marché. C’est pourquoi tous les opérateurs économiques seront obligés de tenir à jour une liste de leurs fournisseurs et de leurs clients.

Documents dans la langue correcte
Les opérateurs économiques devront également vérifier si les instructions d'utilisation accompagnant les produits sont rédigées dans la langue ou les langues du pays où les produits sont mis en vente. Les importateurs et les distributeurs ne pourront donc plus se retrancher derrière leur propre ignorance ou derrière la responsabilité du fabricant. Par conséquent, les acteurs non-spécialistes devront choisir: se former et donc se spécialiser en matière de législation EPI ou passer la main à de véritables spécialistes de la vente d’EPI. Quoi qu'il en soit, il s’agit d’une bonne chose tant pour les personnes responsables de l'achat et du choix des EPI que pour les utilisateurs, qui ont ainsi l’assurance d’avoir des EPI répondant effectivement à la réglementation en vigueur.

Tous les EPI
Le règlement mentionne en outre de manière explicite qu'il s’applique à tous les EPI  nouvellement introduits sur le marché européen. Autrement dit: les règles sont valables tant pour les EPI mis en vente par un fabricant établi à l'intérieur de l'Union européenne que pour les produits neufs ou de deuxième main importés dans l'Union. Elles s’appliquent aussi à la vente "à distance" (et donc au commerce en ligne).
Dans ce contexte, il est utile de rappeler l'obligation des employeurs de mettre à disposition de leur personnel des EPI conformes aux prescriptions légales européennes en vigueur. S’ils entendent importer des EPI d'un pays hors UE, ils devront redoubler de vigilance et contrôler rigoureusement la conformité de ceux-ci.

Usage privé ou professionnel
Le texte différencie désormais plus strictement l'usage privé et professionnel. Mais, si les gants de cuisine utilisés à la maison seront dorénavant considérés comme des EPI, la distinction a par contre été maintenue pour les gants de vaisselle (qui protègent contre la vapeur et l'eau) et les vêtements de pluie: pour ces deux catégories, l'usage privé reste exclu du champ d'application de la directive.

Les catégories officialisées
Les EPI sont depuis longtemps classés en trois catégories (I, II et III) selon la gravité du risque contre lequel ils protègent. Le fait que cette catégorisation en fonction du risque soit désormais reprise dans le règlement permettra à l'utilisateur d’établir plus facilement un lien logique entre sa propre analyse des risques et la gravité du risque constaté. La description générale de chacune de ces catégories, reprise dans le texte, permet aussi de classer plus aisément les nouveaux types d’EPI développés au fur et à mesure de l’évolution de la technologie.
La catégorie III rassemble aussi d’autres risques et produits qu’auparavant: risque de noyade, risques de blessures causées par une tronçonneuse ou un jet sous haute pression, risques de blessures par balles ou coups de couteau et risque d'exposition à un niveau de bruit nocif.

Quels changements pour les EPI?
Ces modifications entraîneront-elles des changements pour les EPI eux-mêmes? Pour être bref: non. Les exigences essentielles de santé et de sécurité reprises à l'annexe 2 de la directive en vigueur restent valables. Comme la mise en application de cette partie de la directive n'a jamais posé de problèmes, il a été décidé de ne pas modifier cette annexe 2 mais d’y apporter seulement quelques modifications pour clarifier certains points.
Le nouveau règlement n’exercera donc aucune influence sur les normes relatives aux EPI ou sur les produits eux-mêmes. Les évolutions technologiques entraîneront évidemment au fil du temps des adaptations aux normes, mais ceci n’a rien à voir avec la nouvelle législation.

Conformité
Les procédures que les fabricants doivent suivre pour prouver la conformité de leurs produits ne changent pas. Leur description a simplement été clarifiée et alignée sur celle d'autres produits. Il faut cependant attirer l’attention sur un point, qui touche aussi les utilisateurs: les attestations d'examen UE de type ne seront désormais valables que pendant une période de 5 ans. Passé ce délai, un organisme notifié devra à nouveau procéder à un examen pour les produits des catégories II et III. Lors du renouvellement du certificat, le fabricant devra prouver que le produit en question est conforme à la nouvelle version de la norme si cette dernière a été actualisée entretemps. Cette nouvelle disposition, qui renforce la sécurité juridique tant pour l'utilisateur que pour le fournisseur, pourra avoir des conséquences importantes pour les contrats de livraison d'EPI de longue durée.

Déclaration de conformité
Afin de faciliter le travail des autorités de contrôle de marché, les fabricants doivent joindre à leur EPI une déclaration de conformité. Celle-ci peut éventuellement prendre la forme d'un lien vers un site internet où se trouve la version complète du document. Dans ce document, le fabricant déclare que le produit en question est conforme à la législation en vigueur et au prototype présenté pour examen à l'organisme notifié et qu'il a mis en place toutes les procédures requises pour assurer le suivi de la production. Le document doit toujours pouvoir être consulté, notamment par l'utilisateur, et il doit être rédigé dans la langue ou les langues officielles du pays où l'EPI a été acheté.

Calendrier
Bien que le règlement entre en vigueur 20 jours ouvrables après sa publication, les dispositions qu'il contient ne devront être appliquées que deux ans plus tard, donc en 2018. Ce délai doit permettre aux organismes notifiés et opérateurs économiques de se préparer à appliquer les dispositions contenues dans le nouveau règlement. En pratique, cela signifie que les premières attestations d’examen UE de type rédigées dans le cadre du nouveau règlement ne pourront être remises qu'au printemps 2018.
La période printemps 2018 - printemps 2019 sera une période de transition, durant laquelle la directive actuelle et le nouveau règlement coexisteront. Pour que les fabricants et les organismes notifiés aient le temps de bien préparer la transition, les attestations actuelles restent valables soit jusqu'à leur date d'expiration (mentionnée sur le document), soit au maximum 5 ans après l'entrée en vigueur du règlement. Les dernières attestations remises sur base de la directive actuelle expireront donc au printemps 2023. Rédiger des attestations sur base du nouveau règlement n’est donc actuellement pas encore possible et le restera jusqu’au printemps 2018. Par la suite, l’on pourra encore vendre en toute légalité des produits certifiés sur base de la directive actuelle, du moins jusqu’à l’expiration de l’attestation.

Une transition en douceur
Afin d'éviter tout problème, il est conseillé aux entreprises et aux autorités de préciser dans leur cahier de charge qu’ils attendent du fournisseur la livraison d’EPI répondant aux exigences de la réglementation en vigueur, sans spécifier s’il s’agit de la directive actuelle ou du nouveau règlement. Le fournisseur a l’obligation de se conformer à la législation et devra donc pouvoir le démontrer. En outre, si l’on exige, à partir du printemps 2018, que tous les EPI soient certifiés selon le nouveau règlement, l’on peut s’attendre à de sérieux problèmes de livraison: en effet, il est impossible de certifier à nouveau tous les EPI existants en quelques jours ou même quelques mois. Il faut donc prévoir le temps nécessaire pour garantir une transition harmonieuse sans mettre en péril la disponibilité des EPI.
Etant donné que les exigences essentielles de santé et de sécurité sont identiques à celles de la directive en vigueur et que les produits ne doivent donc pas être modifiés, il a été décidé de perturber le marché le moins possible. L'objectif n'est donc pas de retirer des produits du marché ou d’empêcher l’utilisation de produits se trouvant dans la chaîne d'approvisionnement puisqu’il n'y a aucune raison de croire que ces EPI puissent être dangereux.

Conclusion
En résumé, l’on peut dire que le nouveau règlement EPI est loin d’être une révolution: c’est plutôt le résultat de l’évolution de la législation. Les quelques modifications intervenues au niveau des procédures et des documents de même que le passage de certains produits d'une catégorie à une autre n'entraînent aucun changement au niveau technique pour les EPI eux-mêmes. Ces modifications se traduiront par une amélioration de la qualité des produits et de la chaîne d’approvisionnement, ce qui sera évidemment bénéfique pour le consommateur.

Henk Vanhoutte est secrétaire général de la European Safety Federation.

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