Les nudges, des ‘coups de pouce’ à suivre de près

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm - France) s’est penché de manière critique sur le ‘nudge’. Pour l’Inserm, l’efficacité de "cet outil de suggestion supposé nous aider à faire les bons choix", notamment en matière de santé publique, n’est pas clairement démontrée. 
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preventFocus 03/2022

Nudge?
Le nudge (‘coup de pouce’ en français) désigne un outil conçu pour modifier les comportements au quotidien, sous la forme d’une incitation discrète. Pour Coralie Chevallier, chercheuse en sciences cognitives et comportementales à l’Inserm, il est fait pour faciliter la prise de décisions peu intuitives, ou difficiles à prendre. La plupart de nos choix ne sont en effet pas rationnels: "nos choix sont influencés par nos émotions immédiates, notre expérience passée, les normes sociales en vigueur",...
Les nudges sont des signaux destinés à modifier les habitudes, mais sans nécessiter un niveau d’attention élevé et prolongé. Quelques exemples bien connus de ‘nudges’: le métro de Stockholm qui invite ses usagers à délaisser les escalators pour les escaliers transformés en touches de piano, l’étiquetage alimentaire qui identifie les produits moins gras et sucrés, marquages au sol rapellant l’obligation de distanciation physique dans les lieux publics,…

Efficacité, oui, mais…
La simplicité de ces outils, associée au coût apparemment faible de leur mise en place, explique leur utilisation dans de nombreux domaines (sécurité, sécurité routière, protection de l’environnement, lutte contre les incivilités,…).
Mais leur efficacité semble parfois limitée quand il s’agit de lutter contre le manque d’activité physique, les addictions ou encore les mauvaises habitudes alimentaires. Par exemple, pointe l’Inserm, la campagne promouvant la consommation de cinq fruits et légumes par jour, débutée en 2001, n’a pas vraiment porté ses fruits: "Vingt ans plus tard, les Français ne mangent guère plus de ces aliments."
Certains nudges sont aussi plus efficaces que d’autres. Les résultats d’une méta-analyse de 96 expérimentations destinées à favoriser l’adoption d’une alimentation plus saine montrent que les nudges qui font appel à la réflexion des consommateurs, comme le Nutri-Score, sont moins efficaces que ceux qui touchent aux émotions, comme le plaisir de manger, explique l’Inserm. Les nudges les plus performants sont également ceux qui influencent immédiatement les comportements (p.ex. par la réduction de la taille des portions et des contenants), sans imposer un traitement de l’information.
Par contre, l’efficacité des nudges est difficile à maintenir dans le temps: d’une part, parce que les êtres humains sont des êtres d’habitude et qu’il est difficile de les faire changer, et, d’autre part, parce que l’effet se dissipe une fois que les nudges ont disparu de l’espace (public) ou si leur mécanisme est dévoilé.

Critiques et problèmes éthiques
L’Inserm souligne aussi que les nudges, et particulièrement leur utilisation dans le domaine de la santé, sont parfois considérés comme un outil paternaliste, infantilisant, voire manipulateur.
La critique insiste aussi sur le fait que certains comportements échappent à l’influence des nudges: "Les choix néfastes de certaines personnes vis-à-vis de leur santé sont liés à leur habitat, leur statut socioéconomique, leur profession", explique un sociologue, qui poursuit: "Les nudges n’ont pas d’impact sur les conditions sociales d’existence, comme le pouvoir d’achat. Fonder une politique de santé publique sur les nudges est un projet minimaliste."

Alors, utiles, ces nudges?
"Aborder les problèmes de santé publique seulement avec des nudges est trop restrictif", commente la chercheuse de l’Inserm. Il faut intégrer cet outil dans des programmes d’action ciblés demanière à ce que les changements instantanés obtenus soient accompagnés d’une modification en profondeur de comportement.
C’est là que le marketing social, qui utilise les outils du marketing au profit du bien social (voir encadré), pourrait porter ses fruits. Par exemple, en France, le programme ‘Vivons en forme’ a permis de faire baisser le taux d’obésité d’une vingtaine de pourcents entre 2008 et 2015 chez les enfants des villes françaises ayant adhéré au projet. Cette approche peut intégrer des nudges, mais nécessite surtout un travail de fond (enquêtes sociologiques, ici combinées à des formations, un accompagnement familial et des ateliers pratiques) et l’implication de tous les acteurs (dans ce cas-ci: parents, élus, enseignants, éducateurs, personnel des cantines).

 

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