Analyses des risques et accidents du travail
Les risques et les accidents du travail sont traditionnellement analysés au moyen de modèles séquentiels où les relations causales (logiques et chronologiques) expliquent la manière dont un risque apparaît ou dont un accident se produit. Les analyses des risques cherchent généralement les causes directes (les faits ou circonstances dangereux immédiats), tandis que les analyses des accidents cherchent un enchaînement d’événements dans une relation cause-conséquence. De telles méthodes ont leurs limites.
Analyses des risques
Les analyses des risques examinent surtout les causes matérielles démontrables et tiennent moins compte des facteurs organisationnels; les mesures proposées sont donc limitées en ce sens. En outre, une analyse des risques considère rarement l’éventualité qu’un problème puisse malgré tout survenir et n’envisage généralement pas de mesures d’urgence, pourtant essentielles quand il s’agit de limiter les conséquences d’un accident.
Analyses séquentielles des accidents
Les analyses séquentielles des accidents telles que l’arbre des causes présentent des limitations similaires. Comme nous l’avons vu (voir
Arbre des causes: possibilités et limites de la méthode) (1), les précurseurs (variations tolérées par rapport à des processus ou des comportements), les facteurs de management (direction, culture de sécurité,…) et les causes organisationnelles (telles que la communication) ne peuvent généralement pas être associés de façon démontrable au déroulement d’un accident. Par ailleurs, l’idée selon laquelle il suffirait d’éliminer les causes critiques pour empêcher l’accident de se produire ne correspond pas à la réalité, qui est plus complexe.
Modèles systémiques
Les modèles systémiques récents utilisés pour analyser les accidents étudient les systèmes avec leurs liens linéaires et non linéaires. Voici un exemple simple: un accident avec une perceuse entraînant une lésion n’est pas uniquement la conséquence d’une machine défectueuse ou d’un mauvais usage de la machine, mais aussi de la politique d’achat, de l’entretien, de la formation, de la surveillance… Un accident survient à cause d’une relation défaillante entre les systèmes, p.ex. entre le processus d’achat et l’utilisation de l’équipement, l’entretien et la formation étant les maillons intermédiaires.
Ces modèles systémiques (comme STAMP - System Theoretic Accident Model and Processes) sont utiles pour analyser les accidents complexes entre autres dans l’industrie de process, le trafic ferroviaire, l’aviation, la navigation et la médecine,... Ils requièrent toutefois une formation pratique intensive, une étude approfondie menée au préalable de façon classique, et ils sont très conceptuels. Cette méthode s’avère trop compliquée pour la majorité des accidents du travail.
Contrairement à l’analyse séquentielle des accidents, les modèles systémiques ne conviennent pas pour effectuer des évaluations des risques au sens classique, entre autres parce que la notion de probabilité (qu’un fait dangereux ou une situation dangereuse se produise) n’a pas de sens dans un modèle complexe non linéaire. Le modèle STAMP n’évalue pas la probabilité qu’un danger se manifeste mais bien l’efficacité de la gestion de la sécurité pour prévenir les faits dangereux et circonstances dangereuses (2).
D’où la question: existe-t-il une méthode permettant d’analyser tant les risques que les accidents de façon ‘systémique’?