Évaluation par les pairs (peer review)
En juin 2024, des représentants des autorités belges et de neuf États membres (Finlande, Grèce, Irlande, Lettonie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Espagne et Suède) se sont réunis pour discuter des approches permettant d'aborder les risques psychosociaux au travail. Des représentants de la Commission européenne, de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) et des partenaires sociaux européens étaient également présents.
L’évaluation par les pairs a permis de comparer les différentes approches mises en œuvre par les États membres dans la prévention des risques psychosociaux au travail.
Approches législatives
La législation européenne sur la sécurité et la santé au travail (en particulier la directive-cadre 89/391/CEE) établit des exigences minimales que tous les États membres doivent respecter et transposer dans leur législation nationale. Les États membres ont cependant la possibilité d'élaborer des spécifications plus détaillées pour une approche mieux adaptée à leur contexte national. Les approches législatives adoptées sont variées: elles reflètent les différents contextes nationaux mais témoignent aussi du fait qu'il existe différents modèles pour gérer les risques psychosociaux au travail.
Législation spécifique
Certains pays disposent d'une législation spécifique sur les risques psychosociaux au travail.
- En Belgique, la définition des risques psychosociaux au travail repose sur les cinq facteurs jouant un rôle dans l’apparition de risques psychosociaux au travail (les cinq T): organisation du travail, contenu du travail, conditions de travail, conditions de vie au travail et relations interpersonnelles au travail. L'employeur doit réaliser une analyse des risques et prendre des mesures de prévention matérielles et organisationnelles.
- L'approche suédoise met l'accent sur la dimension organisationnelle en imposant des mesures de prévention en rapport avec l'environnement organisationnel et social du travail.
- La législation finlandaise fait référence aux facteurs psychosociaux liés à la charge de travail (contenu du travail, organisation du travail et fonctionnement social de la communauté de travail).
- Aux Pays-Bas, la législation prévoit des mesures de prévention des risques psychosociaux au travail liés à la pression au travail et aux "comportements inacceptables" (agression, violence, discrimination, harcèlement sexuel,…).
Législation non spécifique
D'autres États membres font seulement référence aux risques psychosociaux dans leur législation:
- En Espagne, la transposition des directives européennes impose aux employeurs l'obligation générale de garantir la sécurité et la santé des travailleurs, en incluant implicitement les risques psychosociaux.
- En Grèce, la législation fait uniquement référence au harcèlement et à la santé mentale au travail. Les autres risques ne sont pas mentionnés en tant que tels.
- À Malte, la législation se réfère à la santé et à la sécurité en général mais mentionne aussi le bien-être physique et psychosocial.
- En Pologne, la législation couvre le harcèlement moral au travail. L'évaluation des risques liés aux "conditions psychosociales" ne concerne que le travail à distance.
- En Lettonie, les risques psychosociaux sont considérés comme faisant partie de "l'environnement de travail" et des "risques spéciaux". Des obligations spécifiques sont prévues pour évaluer les risques liés à l'environnement de travail et à la charge psychologique.
- En Irlande, la législation s'appuie sur une approche non contraignante et présente des conseils et des bonnes pratiques pour gérer les risques psychosociaux.
Mise en œuvre
Approches variées
Les États membres ont aussi mis en œuvre différentes approches de prévention des risques psychosociaux au travail.
Aux Pays-Bas, par exemple, la législation fixe les principes généraux et les obligations. Les lignes directrices et les modalités d’application sont définies par secteur.
L’approche non contraignante irlandaise de prévention des risques psychosociaux repose sur des conseils et des bonnes pratiques. Le WorkPositiveCI, par exemple, est une enquête en ligne gratuite. Elle est axée sur différents aspects de la gestion des risques psychosociaux (exigences, contrôle, soutien, relations sociales, gestion du changement et rôle professionnel). L'enquête se clôt sur un rapport qui identifie les facteurs de risque et fournit des recommandations concrètes.
Inspections
Les inspections ont à la fois un rôle proactif de prévention des risques psychosociaux au travail et un rôle réactif de protection (faisant suite p.ex. à des plaintes en la matière). L'équilibre entre le volet préventif et réactif varie d'un État membre à l'autre. Aux Pays-Bas, par exemple, l'inspection du travail mène une approche plus proactive, notamment en raison de la capacité limitée du service. Cette approche est basée sur une analyse des risques psychosociaux déclinée par secteur et axée sur la compréhension des causes sous-jacentes. L’identification des secteurs présentant les risques psychosociaux les plus élevés se font notamment sur base des données issues de l'enquête néerlandaise sur les conditions de travail. Des entretiens sont ensuite menés avec les principales parties prenantes (groupes professionnels, instituts de connaissances spécialisés, équipes de recherche syndicales,…) des secteurs concernés.
Formation des inspecteurs du travail
La formation des inspecteurs du travail en matière de risques psychosociaux est reconnue comme essentielle pour une application efficace de la législation. Une formation sur les risques psychosociaux au travail est, par exemple, disponible aux Pays-Bas. De même, à Malte, les inspecteurs du travail peuvent suivre des cours universitaires spécialisés dans ce domaine.
Campagnes de sensibilisation
Plusieurs pays participants à la réunion organisent des campagnes sur les risques psychosociaux au travail. La Grèce, par exemple, a déployé un large éventail d'activités de sensibilisation destinées aux PME: informations sur la législation, formation en ligne sur les risques psychosociaux, mise à disposition d’outils OiRA,…
La Pologne considère les campagnes de sensibilisation comme une mesure de prévention essentielle. Elle a mis sur pied un programme très complet. Coordonné par l'Inspection du travail, ce programme propose des sessions de formation pour les employés et les employeurs sur la prévention du stress, du burnout, de la discrimination, du harcèlement au travail,...
Conclusions
Les participants à la réunion s'accordent à dire
- qu'il est nécessaire d’avoir une législation spécifique sur les risques psychosociaux. Ceci assure notamment un engagement politique sur la question, permet de clarifier le contenu du concept de risques psychosociaux et de préciser les obligations des employeurs en matière de risques psychosociaux (les employeurs ont tendance à accorder plus d'attention aux risques spécifiquement abordés dans la législation)
- que la législation doit être combinée à une mise en œuvre et un contrôle efficace (rôle de l’inspection du travail)
- que le dialogue avec les partenaires sociaux est essentiel non seulement pour élaborer une législation efficace, mais aussi pour soutenir sa mise en œuvre et son application.
La collaboration entre les États membres et les parties prenantes permet de partager les bonnes pratiques, d'élaborer des approches communes ou encore de coordonner des campagnes de sensibilisation.
Source/plus d'info: Peer Review on Legislative and enforcement approaches to address psychosocial risks at work in the Member States 26-27 June 2024, Brussels, Belgium : summary report