La coordination de la sécurité est une valeur ajoutée
La coordination de sécurité sur les chantiers où interviennent plusieurs entrepreneurs est incontestablement un excellent instrument pour prévenir les accidents de travail.
La valeur ajoutée de la coordination de la sécurité réside entre autres dans les principes suivants:
- Risques inhérents à l'activité conjointe ou à l'interaction
La directive européenne relative à la coordination de la sécurité vise le recensement et la prévention des risques supplémentaires inhérents à l'interaction et à l'activité conjointe de plusieurs entrepreneurs sur un même chantier et à les intégrer dans le plan de sécurité et de santé. La mission du coordinateur de sécurité consiste dès lors à harmoniser, à mettre en concordance et à coordonner les systèmes de prévention et de sécurité propres aux différents intervenants sur le chantier. Les mesures de prévention à prendre dans le cadre de la coordination de la sécurité ne concerneront donc en principe pas les chaussures de sécurité, les lunettes de protection,... mais porteront avant tout sur les moyens de protection collectifs ou éventuellement sur les moyens de protection individuels non ordinaires. Le coordinateur de sécurité n'a pas non plus pour tâche de recenser les risques liés à l'activité de base de chaque entrepreneur distinct: cette tâche incombe à l'employeur lui-même, qui doit déterminer et prendre les mesures de prévention utiles, en concertation avec son conseiller en prévention, afin d'assurer le bien-être de ses travailleurs. L'entrepreneur-employeur a d’ailleurs également l'obligation de collaborer avec les autres entrepreneurs pour assurer la sécurité sur le chantier: il doit veiller à ce que les éventuels sous-traitants ou indépendants auxquels il fait appel respectent eux aussi les consignes de sécurité du chantier.
- Intégration de la prévention des risques dès la conception du projet de construction
L’obligation de réfléchir de manière anticipative, et dès le stade de la conception, aux risques inhérents à l'interaction et à l'activité conjointe des entrepreneurs sur le chantier est incontestablement une valeur ajoutée. Il ressort en effet des études effectuées sur le sujet que 70% des accidents et incidents se produisant sur le chantier étaient prévisibles dès la phase de conception. Le travail du coordinateur et sa collaboration avec l’architecte et le maître d'ouvrage dans la phase "projet" doivent donc conduire à une amélioration sensible des conditions de sécurité pendant la réalisation de l’ouvrage et lors de l’exécution de travaux ultérieurs.
- Responsabilisation
La responsabilisation de chaque partie intervenante: maître d'ouvrage, architecte, entrepreneur,… contribue aussi à une meilleure sécurité. Bien qu’il soit difficile de vérifier si le sens des responsabilités des différentes parties intervenantes est aujourd'hui réalité, leur sensibilisation au problème, en tout cas, évolue dans le bon sens. Là où, par exemple, certains maîtres d'ouvrage essayaient au début de transférer leur responsabilité sur les entrepreneurs, nous constatons à présent que les différents acteurs "jouent le jeu" plus correctement. D’autre part, même si les entrepreneurs commencent à s'habituer à la présence du coordinateur de sécurité, une certaine opposition persiste encore dans certains cas. Cette résistance va souvent de pair avec la désignation de coordinateurs qui exécutent leur mission d'une manière extrêmement formaliste et dont les préoccupations sont parfois fort éloignées de la prévention réelle de la sécurité sur le chantier.
- Des coordinateurs de sécurité spécialisés
La coordination de la sécurité sur le chantier, contrairement à la coordination lors de la phase de conception, n’est pas quelque chose de fondamentalement nouveau: elle existait déjà auparavant sur les grands chantiers, mais sous une forme moins strictement réglementée.
Dans la réglementation actuelle, le mécanisme de la coordination se déclenche automatiquement et est assuré par des spécialistes, dès que deux entrepreneurs sont amenés à intervenir sur le chantier.
- Organisation de la sécurité
La réglementation contribue à une meilleure organisation de la sécurité sur le chantier même.
- Intervention ultérieure
Cette réglementation prend non seulement en compte les risques durant les phases de conception et de réalisation d'un projet de construction mais considère également ceux susceptibles de survenir après l'achèvement des travaux, dans le cadre de travaux de réparation ou d'entretien.
Même si le but premier de l'établissement du dossier d'intervention ultérieure est la protection du bien-être des travailleurs, ce document peut également être fort utile au maître d'ouvrage ou à l'utilisateur de l'ouvrage de construction. Le dossier d'intervention ultérieure doit en effet aussi pouvoir servir de "carnet d'entretien" de l'ouvrage de construction pour le particulier (par exemple: remplacement tous les cinq ans des joints en silicone dans les locaux humides, fréquence idéale d'entretien de l'installation de chauffage,…). La Confédération Construction estime que cette extension du dossier à l'entretien de l'ouvrage construit se justifie: un bon entretien peut en effet contribuer à minimiser les risques pour les travailleurs appelés à intervenir ultérieurement dans le cadre de travaux de rénovation.
La coordination de la sécurité sans valeur ajoutée
Cette réglementation contient malheureusement des éléments négatifs qui discréditent la coordination de la sécurité et l'empêchent d'atteindre son objectif.
- Absence de coordination durant la phase de conception
L'obligation de coordonner la sécurité dès la phase de conception de l'ouvrage reste trop souvent lettre morte. Cela peut sans doute s'expliquer par le fait que certains partenaires de la construction n'en voient pas encore l'utilité ou n'ont pas encore fait l'expérience de cette valeur ajoutée. Dans de trop nombreux cas, aucun plan de sécurité et de santé - par exemple - n'est établi. Les entrepreneurs se retrouvent donc parfois confrontés à des délais d'exécution irréalistes parce que l'on n'a pas songé à la sécurité durant la phase de conception du projet ou que tous les entrepreneurs intervenant successivement sur le chantier doivent monter et démonter chacun à leur tour des échafaudages.
Ce sont surtout les instances ou les personnes qui doivent désigner le coordinateur qui sont responsables de cette absence de coordination durant la phase de conception. Pour les grands chantiers (de plus de 500 m²), c'est au maître d'ouvrage de le faire et pour les petits chantiers (moins de 500 m²), cette tâche incombe à l'architecte ou à l'entrepreneur.
- Mauvais travail législatif
Il a souvent été allégué, à juste titre, que le texte de la réglementation qui figure dans l'arrêté royal du 25 janvier 2001 est trop complexe. Ce texte, qui était déjà dès le départ difficile à comprendre, a encore été rendu plus confus et obscur suite aux modifications apportées en 2005. Cette réglementation ne devrait pas être une matière réservée à une élite capable de lire et déchiffrer son texte: elle est de ce fait considérée comme une chose de moindre importance et purement et simplement mise de côté. Si le texte de la réglementation était plus compréhensible, la valeur ajoutée qu’elle représente pourrait réellement être transposée sur les chantiers.
- Le coordinateur de sécurité n'est pas un conseiller en prévention
L'employeur est le principal responsable de la mise en place d'une politique de prévention dans son entreprise afin d'assurer une protection efficace de ses travailleurs contre les risques inhérents à leur activité. Il doit le faire de manière structurée et planifiée à l'aide d'un système dynamique de maîtrise des risques. Le bien-être des travailleurs doit être un souci quotidien pour l’employeur et donc faire partie de la politique générale de l’entreprise, aux côtés des autres préoccupations commerciales, financières et autres. Assisté de ses conseillers en prévention et des membres de la ligne hiérarchique, l'employeur doit déterminer les mesures de prévention à adopter afin de protéger les travailleurs des risques inhérents à l'activité de l'entreprise elle-même.
Le coordinateur de sécurité en revanche s'occupe des risques et dangers résultant de l'interaction et de l'activité conjointe de différents entrepreneurs sur un même chantier.
Or il arrive souvent que les coordinateurs de sécurité, en l'absence d'une politique et de structures de prévention dans les entreprises, reprennent le rôle de l'employeur. Ils se comportent encore trop souvent comme des "super conseillers en prévention" et refont inutilement le travail du conseiller en prévention de l'entreprise, accumulant ainsi la paperasserie. Les coordinateurs ont ici sans doute trouvé un nouveau marché. Mais la réglementation ne l'autorise pas: l'entrepreneur ne peut se défaire de sa responsabilité au niveau de la politique de prévention. Ce procédé est dangereux car l'entrepreneur pourrait avoir l'impression que tout est entre de bonnes mains et qu'il ne doit plus se préoccuper lui-même de la sécurité et du bien-être de ses travailleurs.
Rien n'empêche cependant l'employeur, en plus de la structure de prévention que la loi lui impose de mettre en place, de faire encore appel à l'avis de conseillers externes afin d'optimiser sa politique de prévention des risques.
- Mauvaise communication des autorités
En 2005, un système de coordination de la sécurité simplifié a été instauré, lequel permet, dans certaines conditions bien précises et pour les chantiers d'une superficie inférieure à 500m², aux entrepreneurs et architectes d'assurer eux-mêmes la coordination de la sécurité sur le chantier.
Lorsque ces dispositions légales plus souples ont été instaurées, le ministre compétent et d'autres autorités ont annoncé à plusieurs reprises, et de manière non nuancée, que le coordinateur de sécurité n'était plus obligatoire pour les chantiers des particuliers. Cette désinformation subsiste encore actuellement et a fait naître chez les consommateurs la conviction que la coordination de la sécurité est totalement supprimée pour les petits chantiers. Or, rien n'est moins vrai. La directive européenne en la matière ne le permet d'ailleurs pas. Sur chaque chantier où au moins deux entrepreneurs interviennent simultanément ou successivement, la sécurité doit toujours être coordonnée quels que soient le prix, le degré de risque, la superficie des travaux, etc.
- Coordination "de papier"
La coordination de la sécurité consiste à détecter les risques et dangers inhérents à l'interaction et à l'activité conjointe de plusieurs entrepreneurs sur un chantier et susceptibles de se produire, et à les éliminer - ou à tout le moins les réduire - en adoptant des mesures de prévention créatives et efficaces.
Pour les travaux peu complexes et présentant peu de risques, ces mesures peuvent être formalisées et décrites en quelques pages. Les plans de sécurité et de santé volumineux comprenant des copies de la loi sur le bien-être, du RGPT, des analyses des risques et autres législations, sont à éviter car, dans la plupart des cas, ils ne comportent même pas de description des risques collectifs et des mesures de prévention à prendre. En plus, ils sont fort coûteux pour le maître de l'ouvrage qui n'en retire finalement aucune valeur ajoutée.
- Automatisme
La coordination de la sécurité est automatiquement obligatoire, tant dans la phase de conception que celle de la réalisation, pour tous les travaux où au moins deux entrepreneurs interviennent simultanément ou successivement, et ce quels que soient le coût, le degré de gravité des risques, la superficie, le volume, etc. du projet à construire.
Cet automatisme fait qu'il est également obligatoire de coordonner la sécurité sur les plus petits chantiers qui ne génèrent pas de risques supplémentaires résultant de l'activité conjointe des intervenants. La désignation d'un coordinateur traditionnel sur ces chantiers n'offre pas toujours la garantie d'une sécurité améliorée et engendre surtout une importante paperasserie et une facture plus élevée pour le particulier. Comme c'est le cas dans d'autres pays, mieux vaudrait mettre davantage l'accent sur l'activité même de coordination plutôt que sur "l'institution" du coordinateur de sécurité.
D’autre part, il existe depuis quelques années un système de coordination simplifiée qui permet aux architectes et entrepreneurs d'assurer aisément et avec moins de formalités administratives la tâche du coordinateur. Mais ce système de coordination simplifiée ne fonctionne pas: les entrepreneurs ne veulent pas se charger de la coordination car ils risquent les mêmes sanctions pénales que les coordinateurs de sécurité. En conséquence, un coordinateur de sécurité externe ou traditionnel doit encore toujours être désigné pour les petits chantiers ou bien la coordination y est tout simplement omise.
Conclusion
Outre la sécurité de base qui doit être assurée par chaque employeur séparément et l'obligation pour les entrepreneurs de collaborer en vue d'une meilleure sécurité, la coordination de la sécurité a pour but de déterminer, gérer et maîtriser de manière ciblée et efficace les risques inhérents à l'interaction et l'activité conjointe sur un chantier. Il n'est pas question ici de formalisme et de paperasserie volumineuse. C’est la créativité en matière de sécurité dont le coordinateur peut faire preuve pour compléter les mesures de sécurité et être en mesure de gérer et maîtriser la sécurité collective du chantier de manière optimale qui est plutôt essentielle.
Il est également important que le coordinateur ne se contente pas de conseiller le maître d'ouvrage mais qu'il soit avant tout un bon interlocuteur pour les entrepreneurs. Une bonne communication contribue en effet de manière importante à la sécurité!
La présence actuellement importante de ressortissants des nouveaux pays de l'Union européenne et d'entreprises étrangères sur nos chantiers constitue d'ailleurs un nouveau défi important pour les coordinateurs de sécurité.
(1) La Confédération Construction est une organisation patronale coupole qui représente toutes les activités de construction sur l'ensemble du territoire belge. Elle se compose de 3 confédérations régionales (Confédération Construction wallonne, Confédération Construction de Bruxelles-Capitale, Vlaamse Confederatie Bouw), de 18 fédérations professionnelles et de 21 confédérations locales. La Confédération s'exprime donc au nom des 14.000 entreprises de construction individuelles affiliées. Il s'agit tout aussi bien d'entrepreneurs indépendants que de petites, moyennes et grandes entreprises, actives dans tous les domaines de construction possibles.