Temps de conduite et de repos

Le Conseil socio-économique de Flandre (Sociaal Economische Raad van Vlaanderen - SERV) a analysé l’impact de la nouvelle réglementation européenne sur le secteur des transports de marchandises par route en Flandre (1). Selon lui, les nouvelles règles en matière de temps de conduite et de repos, en vigueur depuis 2007, sont à plus d’un titre passées à côté de leur objectif.
Nouvelle réglementation
Entré en vigueur dans tous les États membres depuis le 11 avril 2007, le nouveau règlement européen ne diffère pas drastiquement de l’ancienne législation de 1969. Comme son prédécesseur, le nouveau texte fixe certaines limites relatives aux durées de conduites ininterrompues, journalières, hebdomadaires et sur deux semaines (voir tableaux 1 et 2).

Tableau 1: Règles relatives aux durées de conduite
Base de calculRèglement 561/2006 (depuis le 11 avril 2007)
Durée de conduite ininterrompueTotal des durées de conduites non interrompues par d’autres activités, ou par un repos journalier ou hebdomadaire Max. 4h30
JournalièreEntre deux temps de repos journaliers ou entre un repos journalier et hebdomadaireMax. 9 heures. La durée de conduite journalière peut toutefois être prolongée jusqu'à dix heures maximum, mais pas plus de deux fois par semaine.
HebdomadaireSemaine calendrier56 heures, sans dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire définie dans la directive 2002/15/CE.
Deux semainesSemaine calendrier90 heures

Tableau 2: Règles relatives aux durées de repos
Base de calculRèglement 561/2006 (depuis le 11 avril 2007)
InterruptionMin. 45 minutes ou une première période de 15 minutes et une seconde de 30 minutes (dans cet ordre).
JournalièreDans chaque période de 24 heures écoulées après la fin de son temps de repos journalier ou hebdomadaireMin. 11 heures. Le temps de repos minimal peut être réduit à 9 heures trois fois par semaine.
Découpage en tranches: une période ininterrompue de 3 heures au moins et une deuxième période ininterrompue d'au moins 9 heures (dans cet ordre), soit 12 heures minimum.
HebdomadaireCommence au plus tard à la fin de six périodes de 24 heures à compter du temps de repos hebdomadaire précédentMin. 45 heures.
Une fois toutes les deux semaines, le temps de repos peut être ramené à 24 heures, ce qui doit être compensé par une période de repos équivalente prise en bloc avant la fin de la troisième semaine suivant la semaine en question.

Les principales modifications portent sur le système d’amendes et sur l’introduction du tachygraphe numérique, qui permet de procéder à des contrôles beaucoup plus précis (voir encadré). Si le contrôle des durées de conduite et de repos est régi par une directive européenne, celle-ci n’est toutefois pas appliquée à l’identique dans l’ensemble des États membres, ce qui explique pourquoi les contrôles sont parfois plus stricts dans certains pays que dans d’autres.

Encadré: Tachygraphe numérique/analogique
Les véhicules équipés d’un tachygraphe numérique sont désavantagés par rapport aux véhicules dotés d’un appareil analogique, qui reste autorisé. Avec un tachygraphe numérique, les durées de conduite et de repos sont en effet calculées à la minute près et il n’est pas rare que la différence entre les deux systèmes atteigne 15 minutes sur une journée.

(1) "Wie rijdt, moet ook rusten. Nieuwe rij- en rusttijden in het beroepsgoederenvervoer" ("Pas de conduite sans repos - Nouvelles règles en matière de temps de conduite et de repos dans le secteur des transports de marchandises").



Objectifs sous-jacents
Le nouveau règlement vise en premier lieu à renforcer la sécurité routière. Les chauffeurs de poids lourds manœuvrent des engins de grande taille et d’un poids considérable. En cas d’accident, les conséquences sont bien souvent très graves. Il est donc primordial de faire en sorte que les chauffeurs de ce type de véhicules soient bien reposés. Le règlement a également pour objectif d'améliorer les conditions de travail des chauffeurs et de favoriser la libre concurrence entre les entreprises de transport.

Conséquences
Selon les entretiens menés par le SERV avec dix-sept entreprises du secteur des transports de marchandises par route, le nouveau règlement sur les durées de conduite et les temps de repos a d’importantes répercussions tant pour les conducteurs que pour les entreprises. Les mêmes règles prévalaient par le passé mais les contrôles étant relativement rares, elles étaient donc rarement respectées. Ce n’est que maintenant que les effets des règles en matière de temps de conduite et de repos se font visibles.

Meilleures conditions de travail?
Depuis l’entrée en vigueur du règlement, les chauffeurs ont davantage de pauses (interruptions, repos quotidien et repos hebdomadaire). En principe, ils devraient donc être plus reposés et pouvoir consacrer plus de temps à leur vie familiale et sociale. Dans la pratique, les chauffeurs passent cependant rarement ce temps de repos supplémentaire chez eux. Auparavant, un chauffeur qui, arrivé à la limite maximale de sa durée de conduite autorisée, ne se trouvait qu’à une heure de route de chez lui ne s’arrêtait pas en chemin. Aujourd’hui, ce même chauffeur est obligé de s’arrêter et de respecter la période de repos journalière (9 ou 11 heures) sur une aire de parking avant de pouvoir reprendre la route.
D’autres problèmes se posent aux chauffeurs parcourant de longues distances et devant alterner conduite de jour et de nuit. Un chauffeur qui se met en route à 6 heures du matin, par exemple, doit faire une pause à 16 heures et se reposer pendant au moins neuf heures d’affilée. Il peut reprendre le volant vers 1 heure du matin, heure à laquelle l’organisme est bien souvent fatigué. L’alternance entre conduite de jour et de nuit perturbe alors le cycle du sommeil.

Autonomie?
Les chauffeurs se plaignent également d’un manque d’autonomie. Chaque décision de poursuivre la route ou d’intercaler une pause pouvant avoir des conséquences sur les deux semaines qui suivent, les chauffeurs sont moins libres dans l’organisation de leur travail. Et le tachygraphe numérique accentue encore cette impression de contrôles stricts et d’absence d’autonomie puisqu’en cas de contrôle, les chauffeurs sont censés être capables de répondre de chaque minute de leur emploi du temps.

Sécurité routière?
Le nouveau règlement a sans conteste permis aux chauffeurs de prendre davantage conscience de l’importance des périodes de repos pour leur propre sécurité et pour celle des autres usagers de la route. Les dispatcheurs constatent d’ailleurs que les chauffeurs demandent explicitement de prendre les périodes de repos en considération lors de l’élaboration du planning. D’un autre côté, en cas d’embouteillage, les chauffeurs, de peur de se voir infliger une amende pour non-respect du règlement, se garent de plus en plus souvent sur la bande d’arrêt d’urgence: en effet, pendant l’embouteillage, le temps de conduite continue à filer et les chauffeurs risquent de dépasser la limite autorisée. En outre, comme les parkings sont régulièrement bondés, les chauffeurs sont bien souvent contraints de garer leur véhicule sur les bretelles d’accès et de sortie des aires de repos.

Vers un assouplissement
Depuis l’entrée en vigueur du règlement, plusieurs voix critiques se sont fait entendre. Aux Pays-Bas, l'Association royale des entreprises de transports (KNV) a demandé que les chauffeurs ne soient plus contrôlés sur le respect des durées de conduite/repos maximales, mais bien sur les durées moyennes.
En Belgique, les durées de conduite et de repos ont déjà été assouplies à la suite d’un accord entre le secrétaire d’État à la mobilité Etienne Schouppe et les associations professionnelles du secteur. Les véhicules qui s’arrêtent fréquemment et qui sont équipés d’un tachygraphe numérique disposent désormais d’une tolérance de 15 minutes pour chaque période de conduite de 4h30. Par ailleurs, si le chauffeur se trouve à proximité de son domicile en fin de période de conduite journalière, il est autorisé à rentrer chez lui sans effectuer de pause.

Basé sur un texte de Ellie Maerevoet
: PreventActua 16/2009