Intro_DM: un parcours de réinsertion dans la pratique

Intro_DM a développé, en Belgique, un concept novateur visant à réinsérer ou maintenir au travail les personnes confrontées à des problèmes de santé et/ou des troubles fonctionnels de longue durée. Dans le numéro de juin, nous avions présenté les objectifs et la méthodologie. Dans ce numéro-ci, nous nous pencherons plus en détail sur les étapes d'un parcours de réinsertion et sur le rôle des différents intervenants.
But du (Dis-)Ability Management
Comme nous l'avions évoqué dans le précédent article, le (Dis-)Ability Management vise à éviter que les problèmes de santé et/ou les troubles fonctionnels ne fassent dépendre les travailleurs de systèmes de compensation pendant de longues périodes avant de se retrouver finalement au chômage. L'une des principales composantes de ce projet, développé pour promouvoir la réinsertion et le maintien dans l'emploi de ces travailleurs, est l'accompagnement individuel de la personne.

Cadre légal
La législation offre différentes possibilités de réinsertion et de maintien dans l'emploi aux travailleurs touchés par des problèmes de santé et des troubles fonctionnels de longue durée. Mais ces possibilités varient, entre autres, en fonction de la nature de l'incapacité de travail (maladie, accident privé, accident du travail ou maladie professionnelle) et du système de compensation qui y est associé. En outre, le fait que la législation dans ce domaine se situe à la fois au niveau fédéral et régional ne facilite pas la tâche des intéressés, qui éprouvent en général bien des difficultés à départager les diverses options qui s'offrent à eux.

Le (Dis-)Ability Case Manager
La responsabilité finale, dans un parcours de réinsertion, appartient à la fois aux employeurs et aux travailleurs. Mais, comme ils n'ont pas toujours les connaissances et l'expérience requises pour contacter et coordonner l'ensemble des intervenants et pour rechercher les différentes possibilités de réinsertion disponibles dans le cadre légal, Intro_DM a créé la fonction de (Dis-)Ability Case Manager (DCM). Cet acteur est formé dans le but d'assurer la coordination du parcours de réinsertion, à la fois sur le plan du contenu et de la procédure.

Sur le plan de la procédure, le DCM réunit les différentes parties et les incite à collaborer. Il s'efforce d'accorder les points de vue, veille au respect des accords et évalue l'évolution du processus à intervalles réguliers. Il est important que cette personne soit en mesure d'amener les différents intervenants à adopter une vision commune. Sur le plan du contenu également, le DCM a son utilité. C'est pourquoi il doit bien connaître le réseau des intervenants jouant un rôle dans le processus et celui des différents services des organismes d'aide. Il doit être en mesure non seulement de formuler des avis sur base de la législation en la matière, mais également de traduire ces informations. Le but est de parvenir à présenter un parcours de retour au travail concret et optimal, en veillant à un bon équilibre entre la charge de travail et les capacités de l'intéressé.

Les six étapes du parcours de réinsertion
Un parcours de réinsertion réussi comporte six étapes, chronologiques ou non.

1re étape: déclarer
La première étape consiste à signaler qu'un soutien est nécessaire pour le retour au travail. Cette déclaration peut être faite à la fois par les personnes qui entourent le travailleur en décrochage (p.ex. assistant social ou soignant) et par le travailleur lui-même. Le DCM informe ensuite le travailleur sur le parcours de réinsertion. Étant donné que le but final de ce parcours est de rétablir la relation de travail entre l'employeur et le travailleur, il est absolument indispensable que le travailleur concerné et l'employeur marquent tous deux leur accord et leur volonté d'entamer un parcours de réinsertion dans l'entreprise.

Les expériences montrent que dans les cas de réinsertion réussie, un contact avait été maintenu entre l'employeur et le travailleur durant l'absence de ce dernier. Dans la pratique, ce contact est souvent rompu lors d'une incapacité de travail et ce, pour diverses raisons. Le travailleur peut craindre, par exemple, d'être incompris, licencié… L'employeur, quant à lui, ne cherche pas à maintenir le contact parce qu'il manque de procédures pour le faire, parce qu'il tient à respecter la vie privée du travailleur,... En conséquence, l'on s'y prend parfois trop tard pour rechercher des solutions.

Par expérience, on sait qu'il est plus facile de convaincre l'employeur lorsqu'il existe déjà une ébauche claire du problème et qu'une série de solutions concrètes peuvent être proposées. C'est pourquoi la consultation de l'employeur au cours de cette phase est parfois reportée jusqu'à ce qu'il y ait eu une première clarification et planification du problème. Si la contribution de l'employeur et des autres personnes concernées au travail (délégué syndical, médecin du travail, …) est essentielle pour la suite du processus, il faut reprendre à nouveau les étapes 2 et 3 une fois l'accord de l'employeur obtenu.

2e étape: clarifier
Le DCM examine, par le biais d'un entretien exploratoire, les causes premières du décrochage. Il passe en revue les facteurs qui peuvent influencer - dans un sens positif ou négatif - la réinsertion et rassemble les points de vue des différents intervenants sur le parcours de réinsertion: le travailleur (p.ex. le travail avant le décrochage, les points qui posent problème, la manière de travailler, la motivation à reprendre le travail, les préférences quant au travail lors de la reprise,…), le conseiller en prévention, le médecin du travail, etc. Ce point de la situation, qui fournit des indications sur les possibilités et les limitations, formera ultérieurement la base du plan d'action (voir 3e étape).

Il est important, à ce niveau, que tous les intéressés soient informés sur le rôle du DCM et les actions prévues dans le cadre du parcours de réinsertion. Une évaluation supplémentaire des possibilités du candidat et, par exemple, de l'adéquation entre les exigences physiques de la fonction et la capacité physique du travailleur, peut aussi s'avérer nécessaire.

Le DCM détermine, au terme des entretiens, si un accompagnement via le (Dis)ability Case Management est indiqué. Si la remise à l'emploi chez le même employeur via le DCM n'est pas envisageable (les problèmes médicaux restant trop aigus, par exemple) ou si une intervention est nécessaire pour remettre la personne au travail, il est mis fin au processus. Lorsqu'il apparaît que l'intéressé ne peut plus ou ne veut plus reprendre le travail dans la même entreprise, mais qu'il a le potentiel suffisant pour occuper une autre fonction chez un nouvel employeur, on peut l'orienter vers le VDAB (Office flamand de l'emploi et de la formation professionnelle) et le service d'accompagnement professionnel spécialisé.

3e étape: planifier
Les solutions envisageables sont répertoriées et les interventions sont définies: faut-il prévoir des interventions ergonomiques, un psychologue est-il nécessaire pour aider à mieux équilibrer travail et vie privée, etc.

Les possibilités de réinsertion légales auxquelles peuvent faire appel le travailleur et l'employeur sont examinées. Pour ce faire, le DCM consulte les différents acteurs: certains travailleurs pourront par exemple être mis au travail avec des subsides salariaux via le VDAB ou via une mise au travail progressive. Il est important, dans ce cadre, que la stratégie proposée convienne à tous les acteurs intervenant dans le processus.

Un plan d'action est ensuite élaboré et le planning est examiné avec tous les intéressés (travailleur, responsable RH, conseiller en prévention-médecin du travail,...). Les autres acteurs concernés reçoivent un feedback sur le plan d'action, lequel peut encore, au besoin, être rectifié.

4e étape: concrétiser et évaluer le plan d'action et les interventions
Les actions planifiées sont exécutées et les mesures de soutien sont demandées. Sur ce plan, le DCM a comme rôle essentiel d'assurer la conduite des différentes initiatives et de faire en sorte que le processus ne soit pas interrompu.

5e étape: faire le suivi et l'évaluation finale
S'il apparaît finalement qu'une réinsertion dans la même entreprise est impossible, le processus de remise au travail est interrompu ou une solution est recherchée dans une autre entreprise. Dans ce dernier cas, le travailleur est orienté vers un service spécialisé chargé de définir et d'accompagner le parcours de réinsertion (Gespecialiseerde Trajectbepaling en -begeleidingsdienst ou GTB).

Enfin, le résultat est communiqué à tous les intéressés. Le DCM examine si la réinsertion se déroule selon les souhaits de chacun et formule au besoin des recommandations visant à améliorer le déroulement du processus. Le DCM reste à la disposition du travailleur et de l'employeur pour répondre aux questions ou résoudre les problèmes éventuels. Si des problèmes surgissent effectivement, le DCM reprend activement son rôle et parcourt à nouveau, si nécessaire, certaines des étapes précédentes.

Facteurs déterminants
Une série de facteurs exercent une influence (positive ou négative) sur la réinsertion. Un DCM suffisamment qualifié et expérimenté privilégiera les facteurs positifs et anticipera les facteurs négatifs. Le tableau 1 donne un aperçu des influences positives et négatives susceptibles d'accroître ou de diminuer les chances de succès d'un parcours de réinsertion aux différents niveaux d'action.

Tableau 1: Facteurs qui influencent le parcours de réinsertion
Facteurs positifsFacteurs négatifs
Niveau de l'entrepriseL'entreprise a une attitude positive à l'égard de la réinsertionL'entreprise a une attitude négative à l'égard de la réinsertion
Les collègues soutiennent la réinsertionLes collègues ne soutiennent pas la réinsertion
Organisation flexible du travailOrganisation rigide du travail
Structure organisationnelle complexe (grande entreprise)
L'entreprise propose des formules de travail à temps partielTravail physiquement lourd
L'entreprise/le secteur connaît des difficultés économiques
L'entreprise met l'accent sur la productivité
Les tâches plus légères sont sous-traitées
Le travailleur a déjà été remplacé
Changements de personnel
Niveau du travailleurTravailleur motivéAttentes irréalistes
Le travailleur était appréciéLe travailleur n'a pas une vision assez claire de sa propre problématique
Travailleur avec une grande expérienceDéséquilibre travail-vie privée
Travailleur fortement limité
Incertitude du travailleur après une longue période à la maison
Niveau du réseau d'acteursBonne collaboration de tous les acteursDes efforts ont déjà été fournis dans le passé
Les acteurs sont prêts à revoir leurs positionsMauvaise expérience dans le passé en matière de collaboration avec d'autres acteurs

Échange d'information possible entre le DCM et les autres acteurs
Il ressort de ce qui précède que la réussite d'un parcours de réinsertion dépend dans une large mesure de la collaboration entre les différents acteurs. Une série d'entretiens approfondis ont permis de mettre en lumière la contribution de chacun des acteurs. Le tableau 2 contient un résumé des bonnes pratiques en matière de communication et d'échange d'information entre les principaux acteurs.

Tableau 2: Bonnes pratiques en matière de communication
Collaboration et concertation DCM avec les autres acteurs
Conseiller en prévention - médecin du travail Le DCM fournit des informations sur le projet et l'état de la situation
Le CP-médecin du travail donne des informations sur
- le poste de travail
- les actions dans le passé
- l'attitude de l'employeur par rapport à la réinsertion

Ils examinent si les capacités du travailleur cadrent avec la fonction. Que peut faire réellement le travailleur?
- Le médecin du travail vérifie (en accord avec la direction et les RH) quels travailleurs sont absents et auront besoin d'une réinsertion.
- Collaborer à la politique de réinsertion
Médecin conseiller Le DCM donne régulièrement un feedback sur les derniers développements dans le cadre du parcours de réinsertion.

Piste proposée pour une reprise progressive du travail
Discussion sur une reprise progressive du travail
Encourager le travailleur à prendre contact avec les autres acteurs impliqués dans la reprise du travail (médecin du travail, employeur)
Centres de rééducationFonction de coordination ou d'orientation
Discussion sur la reprise du travail
Infos au client concernant les mesures de compensation/soutien
Syndicat / conseiller en diversité Le syndicat donne des informations sur la position de l'entreprise par rapport à la réinsertion
Informations de soutien au DCM et au travailleur
Discuter des possibilités de formation qui existent au niveau sectoriel
Envisager des tâches adaptées
§ Le délégué syndical remet une proposition au comité PPT
§ Aide à convaincre l'employeur
§ Renseigne les collègues

Conclusion
La dénatalité et le vieillissement de la population active exercent une forte pression sur le marché du travail. Or, les efforts visant au maintien dans l'emploi et à la réinsertion de personnes confrontées à des troubles fonctionnels et des problèmes de santé de longue durée peuvent avoir un effet positif sur le taux d'emploi.

Dans le cadre d'un projet de réinsertion, le (Dis)-Ability Case Manager apporte une importante plus-value. Il examine dans quelle mesure les différentes possibilités légales de réinsertion peuvent s'appliquer au parcours de réinsertion en question et veille à ce qu'elles soient utilisées au mieux. Il est l'interlocuteur central parmi le réseau des intervenants, coordonne le processus et la concertation, assure la continuité du processus et avance des propositions concrètes, pratiques et réalistes en vue du retour du travailleur. Au-delà des efforts des différents acteurs concernés, divers facteurs externes influencent les résultats du parcours de réinsertion. Tenir compte des facteurs favorables et défavorables constitue dès lors une condition essentielle pour la réussite du parcours de réinsertion.

L'expérience du projet n'a pas permis d'établir d'emblée de façon claire qui était la personne la plus indiquée au sein du réseau pour assumer le rôle de DCM. Faut-il recourir à une personne de l'entreprise même (p.ex. conseiller en prévention, collaborateur des RH, service social,…), à une personne au sein d'une organisation liée directement à l'entreprise (p.ex. service externe PPT, assureur en accidents du travail,…) ou d'un prestataire extérieur (p.ex. coach professionnel, travailleur social de la mutuelle/du centre de rééducation,…)? Ce qui est clair, néanmoins, c'est qu'il faut un acteur qui coordonne le réseau des intermédiaires et qui suive et accompagne le parcours de réinsertion/maintien dans l'emploi de A à Z. La méthode du Disability Case Management constitue, pour cet acteur clé, un outil essentiel. En appliquant cette méthode, cet acteur pourra accompagner le parcours de réinsertion à la fois sur le plan du contenu et de la procédure et apporter une importante plus-value.

IntroDM a accompagné pas moins de 43 parcours de réinsertion entre novembre 2006 et février 2008. Pour obtenir une description claire du rôle du DCM et des possibilités offertes par le Disability Management, une étude a été menée à posteriori sur la base des journaux de bord et d'entretiens. Ce travail a débouché sur une série de conclusions intéressantes.

Le rapport final complet peut être demandé chez Prevent (tél. 02/643 44 44) ou téléchargé sur www.introdm.be.

Le 7 octobre 2008 débutera également une formation de (Dis-)Ability Case Manager.
Vous trouverez des informations à ce sujet sur http://www.introdm.be/p/03871A8F0BC4BB3DC125747900446053.
: PreventFocus 7/2008