Chantiers temporaires ou mobiles: application de l’art. 30 aux marchés publics
Article 30
Tous les coordinateurs sécurité connaissent l’article 30 de l’arrêté royal concernant les chantiers temporaires ou mobiles.
L’article 30 stipule que le maître d’ouvrage doit ajouter un plan de sécurité et de santé au cahier spécial de charges, à la demande de prix ou aux documents contractuels.
Le maître d’ouvrage veille également à ce que:
1° les candidats annexent à leurs offres un document qui réfère au plan de sécurité et de santé (PSS) et dans lequel ils décrivent la manière dont ils exécuteront l’ouvrage pour tenir compte de ce plan de sécurité et de santé;
2° les candidats annexent à leurs offres un calcul de prix séparé concernant les mesures et moyens de prévention déterminés par le plan de sécurité et de santé, y compris les mesures et moyens extraordinaires de protection individuelle;
3° le coordinateur-projet puisse remplir sa tâche: celle-ci consiste à conseiller les maîtres d’ouvrage concernant la conformité du document joint aux avec le plan de sécurité et de santé et les informer de non-conformités éventuelles.
Adaptation pour les pouvoirs adjudicateurs
L’article 30 a été modifié en 2011 pour les maîtres d'ouvrages qui sont un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 2 de la loi du 15 juin 2006. Cette adaptation a été faite via l'arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques (MB du 9 août 2011). Cet arrêté royal transpose la réglementation européenne relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, fournitures et services en droit belge.
Depuis le 1er juillet 2013, un pouvoir adjudicateur ne doit imposer aux soumissionnaires la présentation du document et du calcul de prix séparé en annexe de leur offre, que si le coordinateur-projet justifie que la demande de ce document ou de ce calcul est nécessaire et pour autant qu'il précise les éléments pour lesquels ce document ou ce calcul de prix est nécessaire.
Pourquoi cette exception?
Les raisons (cf. art. 158, Rapport au Roi, AR du 15 juillet 2011) qui ont poussé le législateur à prévoir cette exception pour les pouvoirs adjudicateurs, sont les suivantes:
• Le cahier spécial de charges ou le plan de sécurité et de santé décrivent de manière suffisamment précise la façon dont doit être réalisé l'ouvrage. Il est donc inutile d'obliger les soumissionnaires à joindre à leur offre un document;
• Il n'y a qu'une seule manière d'exécuter l'ouvrage, de sorte que la demande du document est inutile;
• La localisation, l'ampleur et la nature exactes des travaux ne sont pas connus au stade de la passation du marché. Il n’est donc guère utile de demander ce document à ce stade.
• L'appréciation de la régularité d’une offre et les décisions en la matière donnent souvent lieu à des contestations. Il vaut donc mieux ne pas exiger des documents qui ne sont pas réellement nécessaires.
• Les documents que joignent les soumissionnaires ne paraissent pas toujours précis;
• En outre, le calcul de prix séparé s’avère souvent imprécis;
• La demande d’un tel calcul de prix peut s’avérer sans intérêt:
o notamment lorsque le PSS ne prévoit que des mesures ou moyens de prévention très généraux;
o lorsque le métré récapitulatif joint au cahier spécial des charges prévoit des postes spécifiques concernant ces mesures ou moyens;
o lorsqu'en cas de marché à commandes, le lieu et la nature précise des travaux à exécuter, et partant des mesures ou moyens de prévention à appliquer, ne sont pas connus lors de l'attribution mais ne le seront qu'à l'occasion de la notification de chaque commande.
Ne pas demander si ce n’est pas motivé
Si le coordinateur-projet ne motive pas la demande du document et du calcul de prix, le pouvoir adjudicateur ne doit pas demander ces documents. Le pouvoir adjudicateur peut demander ces documents mais il n’est pas tenu de le faire.
La jurisprudence le formule comme suit (voir l’arrêt du conseil d’Etat du 11 février 2014): ‘la production des documents visés à l’article 30 dans le chef du pouvoir adjudicateur est obligatoire ou facultatif, selon que le coordinateur en explicite ou non la nécessité. Le fait que le coordinateur-projet ne fournisse pas de justification explicite n’empêche pas légalement le pouvoir adjudicateur de demander aux soumissionnaires de joindre à leur offre le document et le calcul de prix séparé.’
Dans la pratique, il s‘avère que nombre de pouvoirs adjudicateurs continuent à demander ces documents dans leur offre et ne recourent pas à la dérogation prévue, et ce malgré la qualité parfois médiocre des documents.
Veerle De Saedeleer, conseillère juridique